Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Rénover le Parti socialiste dans les Hauts-de-Seine
Archives
Derniers commentaires
Rénover le Parti socialiste dans les Hauts-de-Seine
6 septembre 2005

Socialistes, allez voir chez les Belges !

Point de vue
Socialistes, allez voir chez les Belges !, par Claude Demelenne
LE MONDE
En crise existentielle, le Parti socialiste français pourrait se pencher
utilement sur l'évolution de son "petit frère" belge francophone, une
exception en Europe. Celui-ci est au gouvernement depuis dix-sept ans sans
interruption. Il a gagné les quatre derniers scrutins : communal (2000),
fédéral (2003), régional et européen (2004). Les socialistes, qui dirigent
Bruxelles et toutes les grandes villes wallonnes, ont renforcé leur position
de première formation en Belgique francophone.
La recette ? Une rénovation réussie. Dans la social-démocratie européenne, le
PS d'Elio Di Rupo, son président depuis 1999, est le plus multiculturel, le
plus avant-gardiste sur les questions de société et le plus progressiste sur
les thèmes socio-économiques. M. Di Rupo l'a révolutionné. A la fin de la
décennie 1990, l'image du PS belge était problématique. Assez macho, peu
présent chez les immigrés, en voie de ringardisation, sa base s'effritait.
Elio Di Rupo a ouvert la citadelle.
Un socialiste, de retour après cinq ans passés à l'étranger, ne reconnaîtrait
pas son parti, qui a réussi des réformes sociétales importantes : droit de
vote pour les immigrés aux élections communales  les socialistes français
n'ont jamais osé , mariage pour les homosexuels  Lionel Jospin y était
opposé, légalisation de l'euthanasie... C'est aussi cela, la modernisation de
la gauche : accorder à chacun le droit de gérer librement ses choix de vie.
Comparés aux socialistes belges, mais aussi espagnols, les Français manquent
d'audace et de modernité dans les réformes de société.
Au premier tour de la présidentielle de 2002, à peine 13 % des ouvriers ont
voté pour Lionel Jospin. En Wallonie, le vote ouvrier en faveur des
socialistes est souvent automatique, et l'extrême droite a peu percé. Le PS a
maintenu un lien fort avec les couches populaires. L'explication est simple :
la modernisation de M. Di Rupo n'a pas rimé avec conversion au social-
libéralisme.
A gauche, la modernisation masque parfois un plagiat. Tony Blair, le Parti
social-démocrate (SPD) allemand, le Parti du travail néerlandais (PVDA) et
certains socialistes français lorgnent sur le programme des libéraux : moins
d'Etat, moins d'impôts, plus de flexibilité... et d'insécurité sociale. La
gauche light oublie sa mission première : protéger. Le PS belge francophone,
lui, est resté fidèle à l'Etat-providence.
Il a bétonné l'indexation automatique des salaires (cas unique en Europe) et
maintenu le système d'allocations-chômage non limitées dans le temps
(également unique en Europe). Il a obtenu un refinancement massif des soins
de santé et sauvegardé un système de sécurité sociale performant (le taux de
pauvreté, en Belgique, est le plus bas du continent avec le Danemark). Le PS
est en phase avec les deux grands syndicats, le "rouge" et le chrétien. C'est
aussi grâce à ce lien que le PS n'a pas "perdu le peuple".
Largement féminisé, le PS belge a choisi une femme comme leader au
gouvernement fédéral et comme premier ministre au gouvernement de Wallonie-
Bruxelles. Une socialiste préside le Sénat. Le parti est aussi bigarré que la
société : son président et sa vice-présidente sont d'origine italienne, comme
la première ministre du gouvernement de Wallonie-Bruxelles. La ministre
socialiste de la culture est d'origine marocaine. Imagine-t-on, au PS
français, un Jack Lang d'origine maghrébine ? Le PS belge a aussi un ministre
d'origine turque au gouvernement régional bruxellois. Au Parlement de
Bruxelles-Capitale, 14 députés socialistes sur 26 sont d'origine étrangère.
Impensable en France, où l'Assemblée nationale est quasi "monocolore". Les
élites françaises, socialistes comprises, se méfient du mélange. Même si la
majorité des "nouveaux Français" votent à gauche, les amis de François
Hollande n'ont pas vraiment réussi leur rendez-vous avec les immigrés, qui
forment une large part de la nouvelle classe ouvrière.
La clé du succès du PS belge francophone passe aussi par un socialisme de
proximité. A l'université d'été de La Rochelle, les stars du PS se sont
affrontées à fleurets mouchetés : petites phrases, parade des
présidentiables. Au même moment, dans une banlieue ouvrière de Liège, Di Rupo
consacrait l'essentiel de son discours de clôture de l'université d'été de
son parti à formuler des propositions concrètes pour améliorer l'accès au
logement et alléger la facture énergétique des citoyens.
Exit l'idéologie ? Non : la mobilisation contre le projet Bolkestein de
libéralisation des services a été initiée par le PS belge, qui entretient de
bons contacts avec le mouvement altermondialiste... accusé de "gauchisme" par
certains socialistes français. Il existe un modèle socialiste belge. Le PS
francophone de Belgique ressemble au village d'Astérix. Tout en se
modernisant, il résiste, presque seul, à la tentation social-libérale. Pour
combien de temps encore, dans une social-démocratie européenne en panne
d'idées ?
Le PS d'Elio Di Rupo est, à la fois, plus à gauche et plus pragmatique, plus
ouvriériste et plus moderne, plus localiste et plus internationaliste que la
plupart de ses partis frères. Il incarne la gauche qui gagne, rassure le
peuple, séduit et les bobos et les syndicalistes. Les socialistes français
négligeront-ils cet exemple ?

Claude Demelenne est rédacteur en chef de l'hebdomadaire belge "Le Journal du
mardi".
par Claude Demelenne
Article paru dans l'édition du 15.09.05

Publicité
Commentaires
Publicité